Environ la moitié de l’eau alimentant Paris provient d’eaux souterraines captées à 100-150km d’Eau de Paris. Les Sources de la Vigne sont captées et acheminées gravitairement jusqu’à Paris via l’Aqueduc de l’Avre depuis le début du 20ème siècle, et sont situées à l’intersection de trois départements et deux régions, la Normandie et le Centre. Ces eaux sont traitées à l’entrée de Paris dans l’usine de Saint-Cloud.
L’Aire d’Alimentation des Captages (AAC) de la Vigne correspond au bassin-versant qui participe à l’alimentation des sources, par infiltration ou transfert. C’est un large territoire d’environ 380 km2 s’étendant sur une quarantaine de communes, essentiellement rurales, avec une occupation des sols à 60% en zone agricole et à 40% en forêts et prairies où moins d’1% est en zone urbaine. Sur ce territoire, d’autres captages alimentent la population locale et présentent des problèmes de qualité identiques, donnant lieu à un travail de coopération territoriale autour de la protection d'une même ressource en eau.
L’eau a été captée au début du 20ème siècle dans des zones rurales éloignées de Paris afin de rechercher une eau de bonne qualité. Du fait du développement des activités agricoles sur les aires d’alimentation de captages, leur impact sur la qualité de l’eau a été petit à petit identifié.
La connaissance des concentrations en nitrate des captages de la Vigne depuis le début du XXème siècle permet d’observer une augmentation significative des nitrates entre les années 50 et les années 90 avec une stabilisation jusqu’à aujourd’hui autour de 40 mg/l. Du fait du contexte hydrogéologique, les Sources de la Vigne présentent en outre des variations importantes des concentrations en nitrates, avec des dépassements ponctuels de la norme des 50 mg/l.
L’autre problématique rencontrée est celle des pesticides. La particularité du contexte hydrogéologique conduit à retrouver au captage des molécules interdites depuis 15 ans. Leur concentration est désormais en-deçà de la limite de qualité, et témoigne de transferts lents à travers la nappe souterraine. En parallèle, des transfert rapides sont constatés à travers le karst, des fissurations dans la craie où l’eau s’infiltre et rejoint rapidement les sources. Des détections ponctuelles sont ainsi mesurées, majoritairement des herbicides, parfois dans des délais courts après leur application, témoignant de la rapidité de ces transferts. A noter qu’Eau de Paris recherche plus de 300 molécules tous les 15 jours ,avec des procédures de détection de plus en plus fines. L’interprétation de la qualité de l’eau doit donc être analysée en prenant en compte cette particularité, étant donné que dans certains captages, l’analyse des pesticides peut être réalisée 1 à 4 fois par an.
L’usine de Saint Cloud traite notamment les eaux des sources de la Vigne, et élimine les pesticides et la turbidité. Le schéma global d’alimentation en Eau de Paris et la conformation historique des aqueducs permet également de gérer la problématique de nitrates. L’eau distribuée à Paris est ainsi toujours conforme aux normes sanitaires.
Stratégie de protection de la ressource sur l’aire d’alimentation des captages de la Vigne :
La vulnérabilité aux pollutions est importante et dispersée sur l’ensemble du territoire, notamment du fait du karst, d’une nappe souterraine proche de la surface, et de la présence de drainage. Pour protéger la ressource en eau il est donc nécessaire d’encourager la diminution des pressions sur l’ensemble du territoire.
L’agriculture pratiquée repose essentiellement sur des systèmes de grande culture à rotations simplifiées avec des exploitations de polyculture élevage encore présentes mais en déclin depuis de nombreuses années. La stratégie de protection de la ressource de Eau de Paris s’appuie sur la connaissance des enjeux du territoire et s’articule autour de plusieurs axes : les pratiques agricoles, l’aménagement du territoire, les filières et la diversification, les actions non-agricoles et la communication. L’ensemble se base sur l’axe de la connaissance, historique et approfondie en continu, pour connaitre et comprendre le territoire et ses acteurs.
Accompagnement des agriculteurs pour protéger la ressource en eau
La stratégie agricole combine l’accompagnement technique, l’accompagnement collectif, l’accompagnement financier, et l’acquisition de références sur mieux piloter les actions, avec l’appui d’agriculteurs expérimentateurs. L’acquisition de références permet aussi de se doter d’indicateurs intermédiaires et d’évaluer l’impact des pratiques agricoles sur la qualité de l’eau. Dans le cadre d’un partenariat avec Eau de Paris, la Chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir pratique des suivis des reliquats dans le sol pour mesurer la quantité d’azote dans le sol et mesurer les risques de lessivage de nitrates vers la nappe souterraine.
Les agriculteurs impliqués sont de plus en plus convaincus par l’intérêt de faire évoluer leur système, pour le bien de l’environnement mais aussi pour le bien de leur exploitation. Pour cela, l’accompagnement financier est nécessaire pour accompagner la transition vers des changements suffisamment durables et ambitieux.
Un accompagnement financier est proposé aux agriculteurs depuis 2008, via les Mesures Agro-Environnementales (MAE) et des aides à l’agriculture biologique. Des engagements importants des agriculteurs sont observés, notamment dans de la réduction importante de leurs usages de produits phytosanitaires. Au total depuis 2008, 1/3 de la surface et 100 agriculteurs se sont déjà engagés dans une MAE. Ces mesures constituent un levier d’animation important : l’engagement d’un agriculteur permet de suivre ses pratiques, de l’impliquer et de l’accompagner, individuellement ou lors d’actions collectives. Des changements durables des pratiques agricoles sont ainsi constatés chez les agriculteurs engagés.
Cependant la complexité administrative et le manque d’adaptabilité aux spécificités des territoires ont entraîné depuis 2015 une baisse progressive des engagements, conduisant Eau de Paris à rechercher de nouvelles solutions d’aides financières plus adaptées.
Pour innover et améliorer l’accompagnement des agriculteurs, Eau de Paris réfléchit aux différentes formes de bénéfices qui pourraient être proposées aux agriculteurs qui protègent la ressource en eau, que ce soit dans l’accompagnement technique, la valorisation de ses pratiques, et l’accompagnement financier. Sur ce dernier point, Eau de Paris envisage de mettre en place des nouvelles aides pour donner suite aux MAE, avec des fonds publics dans le respect des lignes directrices agricoles de la Commission Européenne, mais étudie également la possibilité de financement par des fonds privés.
Le projet INTERREG s’intègre pleinement dans ces réflexions. L’échange d’expérience avec les autres sites pilotes et les éléments de méthodologie testés visent à accompagner Eau de Paris dans la mise en œuvre d’accompagnement financiers aux changements de pratiques de manière efficace et adaptée.