Le Syndicat d’eau du Roumois et du Plateau de Neubourg (SERPN) est un Etablissement public à caractère industriel et commercial qui couvre 100 communes et a 33 000 abonnés consommant 3 300 000m3 / an, dans le département de l’Eure. Parmi leurs aires d’alimentation de captage, 3 sont classées prioritaires pour des problèmes de qualité d’eau : turbidité liée aux sédiments, pesticides et nitrates.

Le Territoire du SERPN présente deux problématiques de qualité d’eau différentes.  Au Nord, les points d’eau sont sensibles à la turbidité et donc aux produits phytosanitaires adsorbés sur les matières en suspension. Cette pollution est due au caractère karstique du secteur (infiltration rapide via des dolines). Le point d’eau des Varras produit 30% de l’eau du syndicat. Ce forage est équipé d’une usine d’ultrafiltration pour permettre de distribuer une eau respectant les normes de distribution.

Au Sud, les captages présentent des concentrations en nitrates supérieures à 40 mg/L : cela est caractéristique des secteurs agricoles où l’infiltration lente à travers la craie prédomine. Aucun traitement, sauf de chloration, n’est effectué sur l’eau brute de ces captages. C’est pourquoi en cas de dépassement de la norme pour les nitrates de 50 mg/L, seuls l’arrêt des pompes ou un mélange d’eau effectué grâce aux interconnexions du réseau permettraient d’alimenter la population en eau potable. Ces mesures ne peuvent être que temporaires. C’est pourquoi le SERPN souhaite travailler sur une stratégie à long terme pour reconquérir la qualité de l’eau brute sur son territoire.

Le Bassin d’Alimentation de Captage (BAC) du Tremblay Omonville, site pilote pour le projet CPES, est concerné par une problématique nitrates.

 

D’un point de vue hydrogéologique, les deux captages du Tremblay captent la nappe de la Craie. Les couches hydrogéologiques (sol et épaisseur de craie) sont homogènes sur tout le territoire : la vulnérabilité intrinsèque est homogène. De ce fait, il n’y a pas de zone prioritaire sur le BAC. Le travail sur les changements de pratiques sera le même pour tous les agriculteurs.

D’un point de vue agricole, le BAC représente une superficie de 6200 Ha dont 5900 Ha de Surface Agricole Utile (SAU). Il se situe sur le plateau du Neubourg, secteur agricole très productif permettant de produire une grande diversité de cultures (céréales, betteraves, lin, pommes de terre…). 125 exploitations sont concernées par au moins une parcelle sur le territoire dont 60 couvrent 80% de la surface agricole du BAC.

Parcellaire agricole du BAC

Construction des mesures préventives pour reconquérir la qualité de l’eau

Ces « démarches de bassin d’alimentation de captage » permettent de travailler à l’échelle du territoire avec les acteurs sur les sources de polluants à éviter. Les études de définition des périmètres d’alimentation de captage ont été lancées en 2011. Suite à la définition des périmètres, le travail avec les agriculteurs a débuté afin de mettre en place un programme d’actions.

Des outils spécifiques sur les nitrates ont été mis en place pour mieux comprendre le fonctionnement et l’impact des pratiques sur la qualité de l’eau, ainsi que des outils : d’animation auprès des agriculteurs, de contrôle et de suivi de leurs pratiques. Le premier outil est une modélisation, créée en 2012, du lessivage des nitrates à travers les parcelles avec plusieurs données d’entrée (hydrogéologie, météo, occupation du sol, pratiques agricoles et mesures de qualité d’eau depuis plus de 30 ans). Un premier résultat montre qu'au vu de la profondeur des captages, le temps d’inertie est important, soit 30 ans de latence entre les pratiques actuelles et les mesures au captage. D’autre part, le modèle a permis de simuler l’impact de changements de pratiques sur la concentration en nitrates au captage à long terme. Le changement de pratique retenu par le comité de pilotage (Agence de l’Eau, agriculteurs, Chambre d’Agriculture de l’Eure, Syndicat d’Eau) concerne l'indicateur « reliquat entrée hiver » (REH). En effet, le modèle montre qu’en deçà de 60 unités d’azote par hectare par an à l’échelle du territoire, la concentration en nitrates au captage descendrait en dessous de 37,5 mg/L.

Schéma de fonctionnement du REHEvolution des concentrations en nitrates selon le niveau de REH

Pour mesurer l’atteinte de cet objectif, le SERPN avec le soutien de l’Agence de l’Eau, du Conseil Départemental et de la Chambre d’Agriculture, ont mis en place un observatoire des reliquats.  Des parcelles agricoles font l’objet d’un prélèvement de sol pour mesurer la quantité d’azote présente à un moment clé : quand la recharge de la nappe commence, c'est-à-dire au moment où les sols sont saturés en eau. L’observatoire a démarré en 2013 sur la base du volontariat. Le SERPN a donc développé une stratégie d’animation pour mobiliser un maximum d’agriculteurs sur le secteur.

Tableau de bord REH 2017Depuis 2016, le BAC du Tremblay-Omonville est un site pilote pour un projet mené par l’INRA et financé par l’ONEMA. Ce projet a pour but de tester une démarche construite par l’INRA sur des AAC en France. Le principe est :

  • De co-construire un projet avec les acteurs du territoire et axer sur les résultats vis à vis de la qualité de l’eau
  • De mettre en place une gestion dynamique à l’aide d’un tableau de bord
  • De mettre en place une animation agricole qui découle de la logique de résultats

L’INRA a créé des ressources à mobiliser sur les BAC. L’objectif est de voir comment ces ressources permettent une gestion dynamique des actions sur le BAC. Les ressources sont les suivantes :

1. Le tableau de bord : un outil au service du COPIL et des agriculteurs permettant

  • De regarder le BAC : les actions mises en œuvre, les résultats obtenus pour les actions agricoles mais aussi sur la qualité de l’eau. Ces observations ont pour objectif de comprendre et d’instaurer une relation de confiance
  • Pour ajuster le projet local au fil du temps : tous les ans, le COPIL analyse si les moyens et/ou les résultats prévus sont ou non au rendez-vous. Il peut en conséquence revoir le projet local pour garantir sa réussite. Cet outil permet de la souplesse et de la progressivité.

2. Des moments clés avec les agriculteurs :

  • Le Tour de BAC en automne : pour observer l’état des champs et les résultats obtenus, diagnostiquer l’écart entre obtenu et attendu, confronter le projet collectif au projet individuel de l’agriculteur
  • L’analyse des résultats à la parcelle en janvier : analyser individuellement les résultats obtenus, identifier les marges de manœuvre dans la gestion du cycle de l’azote, échanger en confiance sur des informations factuelles et observées.

Le SERPN et le projet CPES

Le REH est dépendant des conditions climatiques de l’année. Afin de garantir une meilleure maîtrise du résultat du REH à l’échelle du territoire, le SERPN doit mobiliser le maximum d’exploitants pour couvrir une plus grande surface sur le BAC. La mobilisation des exploitants dépend de leur volonté d’agir. A ce jour, 50 exploitations sur 125 présentes sur le BAC se sont engagées dans le projet.

Est-ce qu’un outil financier type PSE permettrait de mobiliser un plus grand nombre d’acteurs ? C’est une question à laquelle le SERPN souhaite répondre en participant au projet CPES.

Formation des agriculteurs sur le terrain